Avec ce petit article, je me propose simplement de faire un tour des définitions de l’expression « processus de fascisation » et du mot « fascisme », ceci afin qu’il soit bien explicite que l’époque actuelle rend légitime l’utilisation de ces mots.
Processus de fascisation ?
Je reprendrai la définition proposée par Saïd Bouamama :
« Nous appelons fascisation le processus d’enracinement multiforme de la logique fasciste se déployant dans une société non dirigée par un pouvoir politique fasciste et continuant à fonctionner en se légitimant d’un cadre démocratique. À l’exception des venues au pouvoir de fascistes par un coup d’État brusque (et encore de nombreux signes sont repérables même dans ces situations), toutes les expériences fascistes que nous avons connues historiquement ont été précédées d’un processus plus ou moins long de fascisation. La fascisation n’est en conséquence pas réductible à l’action des groupes explicitement fascistes. Elle est le fait à la fois de ceux-ci et d’autres acteurs politiques (d’autres partis, de l’appareil d’État, du pouvoir politique, etc.). Résultat du rapport des forces social et idéologique, le processus de fascisation se déploie au moins à trois niveaux : le niveau idéologique par la diffusion de concepts, de théories et de thématiques. Le niveau culturel par la banalisation de représentations sociales culturalistes. Et enfin le niveau pratique par des passages à l’acte d’une part et par des mesures légales découlant logiquement des deux niveaux précédents mais également de la tentative du pouvoir politique de sortir d’une crise de légitimité d’autre part. Progression quantitative de ladite extrême droite, banalisation de ses thèmes et de son vocabulaire, crise de légitimité profonde (dont l’abstention et les Gilets Jaunes ne sont que les indices les plus visibles), ces trois constats permettent de conclure que nous sommes en France dans une séquence de fascisation.«
Cette définition, simple et détaillée, permet de se rendre compte qu’entre la place de plus en plus grande de l’extrême-droite et de ses idées en France, ainsi que par les actes et discours de la Macronie et de la droite incarnée par Les Républicains, nous vivons actuellement un processus de fascisation.
Fascisme ?
» S’il fallait s’accorder sur une définition – même minimale et provisoire – du fascisme, sans doute pourrait-on le considérer comme un mouvement de masse qui prétend œuvrer à la régénération d’une « communauté imaginaire » considérée comme organique (nation, « race » et/ou civilisation), par la purification ethno-raciale, par l’anéantissement de toute forme de conflit social et de toute contestation (politique, syndicale, religieuse, journalistique ou artistique), autrement dit par l’évidement de tout ce qui paraît mettre en péril son unité imaginaire (en particulier la présence visible de minorités ethno-raciales et l’activisme d’oppositions politiques). Une précision importante s’avère toutefois nécessaire. Le principe de l’unité sans faille que le fascisme prétend imposer et sur laquelle se fonde la communauté mythifiée qu’il prétend régénérer n’est pas nécessairement racial, au sens pseudo-biologique que ce terme prit dans le cas du nazisme. Il peut être culturel (on exclut alors au nom d’une prétendue communauté ethnolinguistique et/ou religieuse qui plongerait ses racines dans un passé millénaire) ou même politique : le nationalisme mussolinien reposait ainsi pour l’essentiel sur un mélange peu cohérent de références à l’Empire romain et d’une conception absolutiste et exclusiviste de la Volonté générale. «
La définition, là aussi simple et détaillée, nous permet de voir que des nombreux groupuscules d’extrême-droite en France, en passant par le Rassemblement National (Marine Le Pen est arrivée deux fois de suite aux second tour de l’élection présidentielle, Jean-Marie Le Pen une fois) et Reconquête (Eric Zemmour est arrivée 4ème de la dernière élection présidentielle), une galaxie fasciste prête à prendre le pouvoir existe en France. L’actualité récente nécessite de compléter par la présence de milices armées, en particulier dans la police et organisé avec certains syndicats comme les syndicats Alliance-Police-Nationale-CFE-CGC et UNSA-Police.
Je vous invite aussi à lire cet article de 2020 de Ugo Palheta :
Fascisme. Fascisation. Antifascisme
et cet article de 2023 de Panagiotis Sotiris :
Lire Poulantzas pour comprendre l’autoritarisme néolibéral et les extrêmes droites
La course contre le fascisme n’est pas une compétition
– J’étais avec votre fils dans les derniers mois de sa vie et au moment de sa mort. Je vous apporte le journal qu’il tenait. Et si vous voulez en savoir davantage sur cette époque…
Le visage du vieillard resta parfaitement inexpressif ; son flegme était inaltérable. Mais le jeune homme, d’un mouvement soudain, surgit de l’ombre et, se tenant dans un jour pâle et incertain entre le feu et la fenêtre, dit d’une voix rude :
– A Erhenrang on l’appelle toujours Estraven le traître.
Le patriarche regarda le jeune homme puis se tourna vers moi pour me présenter le garçon.
– Sorve Harth, dit-il, l’héritier du Domaine, fils de mes fils.
Je savais parfaitement que l’inceste ne fait ici l’objet d’aucun interdit. Mais par un réflexe de Terrien, je fus surpris par cette révélation et surpris de voir flamboyer la fougue de mon ami en ce jeune provincial austère et farouche, si bien que j’en demeurai interdit. Et c’est d’une voix mal assurée que je repris la parole :
– Le roi va se rétracter. Therem n’était pas un traître. Qu’importe si des imbéciles lui donnent ce nom ?
Le patriarche fit un signe de tête lent et calme.
– Cela importe, dit-il.
– Vous avez traversé ensemble le glacier de Gobrin, vous et lui ? Demanda Sorve.
– C’est exact.
– J’aimerai entendre le récit, monsieur l’Envoyé, dit le vieil Estraven avec le plus grand flegme.
Mais le garçon, ce fils de Therem, dit en balbutiant :
– Dites-nous, s’il vous plaît, comment il est mort… Et voudrez-vous nous parler des autres mondes parmi les étoiles… des autres espèces humaines, de leur vie ?
(Ursula Le Guin)
Entrons dans le sujet par la petite porte sombre et grave. Nombre de documents, textes, interventions, manifestations, démontrent, en France, la possibilité du fascisme. Cette problématique n’étant d’ailleurs pas française puisque l’on observe assez nettement la constitution d’une Nouvelle Internationale Fasciste.
Quelle drôle d’entrée, me direz-vous. Est-ce le cœur du propos de cette contribution ? Oui et non. Et oui.
Non, car cette possibilité du fascisme nécessite à la fois une question stratégique vis-à-vis de la galaxie fasciste et la fascisation d’une frange de la population dans le contexte de la la triple offensive – néolibérale, autoritaire et raciste – dont Emmanuel Macron est la parfaite incarnation. Non, car le cœur de mon propos est bien de contribuer à la question de la construction d’une société écosocialiste. Oui car nous sommes actuellement dans une course pour répondre à la crise écosociale entre une société émancipatrice d’un côté et une réponse fasciste de l’autre. Donc oui.
Avant d’aller plus loin dans la discussion, donnons une définition au fascisme. Pour ce faire, je reprendrai celle d’Ugo Palheta :
« S’il fallait s’accorder sur une définition – même minimale et provisoire – du fascisme, sans doute pourrait-on le considérer comme un mouvement de masse qui prétend œuvrer à la régénération d’une « communauté imaginaire » considérée comme organique (nation, « race » et/ou civilisation), par la purification ethno-raciale, par l’anéantissement de toute forme de conflit social et de toute contestation (politique, syndicale, religieuse, journalistique ou artistique), autrement dit par l’évidement de tout ce qui paraît mettre en péril son unité imaginaire (en particulier la présence visible de minorités ethno-raciales et l’activisme d’oppositions politiques). Une précision importante s’avère toutefois nécessaire. Le principe de l’unité sans faille que le fascisme prétend imposer et sur laquelle se fonde la communauté mythifiée qu’il prétend régénérer n’est pas nécessairement racial, au sens pseudo-biologique que ce terme prit dans le cas du nazisme. Il peut être culturel (on exclut alors au nom d’une prétendue communauté ethnolinguistique et/ou religieuse qui plongerait ses racines dans un passé millénaire) ou même politique : le nationalisme mussolinien reposait ainsi pour l’essentiel sur un mélange peu cohérent de références à l’Empire romain et d’une conception absolutiste et exclusiviste de la Volonté générale. »
Et pour marquer encore les choses, cette citation de Léon Trotsky de juin 1933 pour définir le National-Socialisme : « Le fascisme a amené à la politique les bas-fonds de la société. Non seulement dans les maisons paysannes, mais aussi dans les gratte-ciels des villes vivent encore aujourd’hui, à côté du XX° siècle, le X° et le XII° siècles. Des centaines de millions de gens utilisent le courant électrique, sans cesser de croire à la force magique des gestes et des incantations. Le pape à Rome prêche à la radio sur le miracle de la transmutation de l’eau en vin. Les étoiles de cinéma se font dire la bonne aventure. Les aviateurs qui dirigent de merveilleuses mécaniques, créées par le génie de l’homme, portent des amulettes sous leur combinaison. Quelles réserves inépuisables d’obscurantisme, d’ignorance et de barbarie ! Le désespoir les a fait se dresser, le fascisme leur a donné un drapeau. Tout ce qu’un développement sans obstacle de la société aurait dû rejeter de l’organisme national, sous la forme d’excréments de la culture, est maintenant vomi : la civilisation capitaliste vomit une barbarie non digérée. Telle est la physiologie du national-socialisme. »
Si je cite un texte de 1933, c’est que le débat tourne beaucoup aujourd’hui, en France, sur la nature fasciste ou pas, de normalisation ou pas, du Rassemblement National (RN), issu du Front National (FN) dont les héritages pétainistes ne font pas discussion.
La première vague fasciste, celle d’entre les deux guerres mondiales, s’est appuyée sur la classe dirigeante capitaliste pour s’installer au pouvoir. Celle-ci acceptant une dictature fasciste afin de fractionner la classe ouvrière et de détruire le mouvement ouvrier organisé. Cette situation est très documentée concernant l’Allemagne. N’oublions pas, non plus, qu’Henry Ford a financé Adolf Hitler dès les années 1920. Faut-il alors comparer la situation actuelle en France et aujourd’hui avec celle de cette époque ? La montée du fascisme et les processus de fascisation observés correspondent-ils à un moment où la bourgeoisie a peur d’une révolution sociale au point de favoriser l’émergence d’une dictature fasciste ?
Je ne pense pas, car la bourgeoisie ne craint pas dans l’immédiat une Révolution sociale qui pourrait la renverser. Dans aucun pays d’Europe le chômage n’atteint les 40 à 50 % des années 1930. Le chômage aujourd’hui, d’ailleurs, touche des populations salariées plus facilement récupérables par la bourgeoisie. Cela ne signifie pas que nous ne vivons pas une crise sociale, bien entendu, cela signifie simplement que la crise touche différemment les classes sociales et que la bourgeoisie est en capacité d’empêcher une Révolution sociale en récupérant des franges de ces populations.
Et puis surtout, en termes stratégiques, la bourgeoisie apprend de ses erreurs et l’utilisation d’une dictature fasciste pour détruire le mouvement ouvrier a été auto-analysée comme une erreur puisque cela s’est aussi retourné contre la bourgeoisie in fine elle aussi victime du fascisme …
La victoire militaire de 1945 a eu, au moins, comme avantage immédiat, de reléguer, pour un certain temps, au magasin des accessoires le fascisme de type classique, le fascisme démagogique et botté. La bourgeoisie est obligée de recourir à des moyens de domination moins provocants, et aussi plus insidieux. Mais n’oublions pas que le fascisme de type classique n’est qu’une des formes que peut prendre la contre-révolution. Et ne perdons pas davantage de vue que la crise permanente du régime capitaliste sévit toujours. En France, la succession impréparée d’un pouvoir personnel en perte de vitesse, de plus en plus isolé du pays, reposant sur l’armée, la police, une haute administration fascisante pourrait, si elle était brusquement ouverte, nous placer devant le dilemme : dictature militaire ou Front populaire. Mais on doit souhaiter que ce nouveau Front populaire soit axé, cette fois, autour de la classe ouvrière, qu’il ne soit pas paralysé ni par des mésalliances politiques ni par des illusions réformistes, qu’il ne soit subordonné à la politique étrangère d’aucune grande puissance, et qu’enfin il sache attirer à lui une sceptique jeunesse qui, aujourd’hui, n’appartient à personne.
Reste que l’on observe une montée de l’extrême-droite, en particulier dans le périmètre électoral. Cela fut flagrant en France en 2022 au moment de l’élection présidentielle, puis au moment des élections législatives avec un nombre record de député·es d’extrême-droite à l’Assemblée nationale. Il faut donc prendre très au sérieux une situation où, électoralement, l’extrême-droite peut prendre le pouvoir et que toutes les stratégies de “barrage“ apparaissent comme des enfumages grossiers. La présence d’un candidat explicitement fasciste, Eric Zemmour, à l’élection présidentielle, sa médiatisation très importante, a été un marche-pied indéniable pour la candidate d’extrême-droite “normale“ Marine Le Pen. D’ailleurs, la stratégie consistant à attaquer en permanence Eric Zemmour a surtout entraîné une minimisation du danger constitué par Marine Le Pen dont le projet politique n’est pas moins oppressif et fasciste que celui d’Eric Zemmour. C’est toute la palette d’extrême-droite qu’il nous faut donc combattre. Dans le champ électoral, Eric Zemmour et Marine Le Pen sans exclusive. Mais également un combat contre les groupuscules, souvent armés, qui agissent violemment. Nous retrouvons là la nécessité d’un Front Unique contre le fascisme en organisant une stratégie d’auto-défense. ET la nécessité vitale de construire ce front sur le terrain.
Et puis l’extrême-droite bénéficie d’un processus où une partie de la bourgeoisie est imprégnée idéologiquement des thèmes fascistes qu’elle fait vivre. Dans un contexte où de Jean-Michel Blanquer en passant par Eric Ciotti, ces faussaires de la République, avecune exploitation à outrance des relents fascistes a été quotidienne, avec un processus autoritaire voire de fascisation qui se cache derrière des lois liberticides et islamophobes, avec l’utilisation du vocabulaire de l’extrême-droite (“islamogauchisme“), entretiennent une focalisation vers les thèmes fascistes. C’est ce dont je parle lorsque je parle de processus de fascisation. La fascisation ne doit en aucun cas être comprise comme un glissement graduel ou comme une transition douce et pacifique vers le fascisme. Il s’agit d’un processus chaotique, marqué par une série de batailles dont l’issue est profondément incertaine dépendant des rapports de force établis par les luttes sociales et politiques.
En ce sens, nous devons à la fois nous confronter aux forces fascistes, sur le terrain électoral et institutionnel comme sur le terrain de la rue, et les processus de fascisation qui sous la forme idéologique assurent un terrain fertile à la progression de l’extrême-droite (à la fois les organisations et les idées).
Il nous faut aussi combattre le confusionnisme.
Je prendrai comme entrée les “fâchés pas fachos“, expression reprise à gauche depuis les mouvements des “Gilets Jaunes“. Une telle expression a pour objectif d’entrer dans la course de vitesse entre la gauche et l’extrême-droite. Je partage l’idée qu’il y a une course de vitesse, bien entendu, mais je ne partage pas l’idée que celui qui l’emportera sera celui qui attirera à lui les “fâchés pas fachos“. En premier lieu car cela revient à ménager celles et ceux qui votent pour l’extrême-droite, et en particulier pour le RN. Cela peut même revenir en partie à ménager Marine Le Pen elle-même alors qu’elle n’est pas moins dangereuse qu’un Eric Zemmour comme je l’ai déjà écrit. Au fond, s’il s’agit de chasser les électrices et les électeurs sur les terres du RN, s’agit-il de les convaincre ou de les séduire ? Les convaincre, cela signifie attaquer frontalement les dogmes racistes et nationalistes pour faire basculer ces électrices et ces électeurs dans le camp de la solidarité de classe. Les séduire, cela signifie avoir un discours suffisamment ambigu et efficace en termes de stratégie électorale pour les faire basculer électoralement pour prendre le pouvoir. Mais une partie (non négligeable) des électrices et électeurs d’extrême-droite sont tout simplement… racistes ! Nous savons que le fascisme a toujours, en période de crises, été capable de se nourrir des peurs et du désespoir pour proposer des réponses qui touche aux sentiments humains profonds. Opposer une réponse de séduction, médiatiquement acceptable, est vain car elle fantasme un semblant de raison. La gauche n’apparaît alors pas comme étant capable de proposer un sens autre que celui proposé par l’extrême-droite, elle explique simplement que les réponses apportées par l’extrême-droite ne sont pas les bonnes réponses. Non, l’extrême-droite, et même l’extrême-droite institutionnalisée que représente le RN, ne pose pas de bonnes questions en apportant de mauvaises réponses. Cet aspect est d’autant plus essentiel que des personnages comme Robert Ménard, par exemple, mais également Eric Zemmour, ont fait de la distorsion de l’histoire une stratégie.
La gauche démobilise car elle n’est pas mobilisée. C’est d’autant plus frustrant car les graines émancipatrices sont là et qu’elles sont récupérées par les relents identitaires. En conséquence de quoi, participer à cette course contre l’extrême-droite ne peut se faire que sur la base de notre cohérence politique idéologique.
Nous avons aussi à combattre l’écofascisme. Ecofascisme ? Bernard Charbonneau précise : « L’écofascisme a l’avenir pour lui, et il pourrait être aussi bien le fait d’un régime totalitaire de gauche que de droite sous la pression de la nécessité. En effet, les gouvernements seront de plus en plus contraints d’agir pour gérer des ressources et un espace qui se raréfient. Déjà commence à se tisser ce filet de règlements assortis d’amendes et de prison qui protégera la nature contre son exploitation incontrôlée. Que faire d’autre ? Ce qui nous attend, comme pendant la seconde guerre totale, c’est probablement un mélange d’organisation technocratique et de retour à l’âge de pierre. […] Si la crise énergétique se développe, la pénurie peut paradoxalement pousser au développement. Le pétrole manque ? Il faut multiplier les forages. La terre s’épuise ? Colonisons les mers. L’auto n’a plus d’avenir ? Misons sur l’électronique qui fera faire au peuple des voyages imaginaires. Mais on ne peut reculer indéfiniment pour mieux sauter. Un beau jour, le pouvoir sera bien contraint d’adopter une façon de faire plus radicale. Une prospective sans illusion peut mener à penser que le virage écologique ne sera pas le fait d’une opposition dépourvue de moyens, mais de la bourgeoisie dirigeante, le jour où elle ne pourra plus faire autrement. Ce seront les divers responsables de la ruine de la terre qui organiseront le sauvetage du peu qui en restera, et qui après l’abondance géreront la pénurie et la survie. Car ceux-là n’ont aucun préjugé, ils ne croient pas plus au développement qu’à l’écologie : ils ne croient qu’au pouvoir. »
L’écofascisme a plusieurs entrées, je commencerai par l’écologisation du fascisme, l’écologie comme synthèse politique des mythes et mysticismes réactionnaires, un versant particulier de l’écofascisme.
L’extrême-droite a historiquement non seulement nié le dérèglement climatique, mais, plus que cela, a toujours été dans la défense du productivisme et du Capitalisme. Cela n’est pas nouveau, et se retrouve dans son positionnement contre les accords internationaux pour le Climat (même les plus timides), dans sa haine permanente contre les mouvements écologiques etc.
Mais, aujourd’hui, sentant le vent tourner, l’extrême-droite retrouve un fascisme fossile, s’appuyant sur la revendication d’un nationalisme vert, la défense du territoire, et l’obsession de l’immigration.
Voyons comment Hervé Juvin, député européen du RN, justifie le vote contre de son groupe au financement du “Green New Deal“ européen : « Nous sommes les premiers à déplorer la dégradation de nos espaces naturels, de la biodiversité, le recul des traditions et des savoir-faire ancestraux. Les premiers à regretter l’uniformisation des pratiques et des techniques agricoles, qui aboutit à la destruction des paysages. Les premiers aussi à dénoncer l’arrachement à leur terre des migrants aussi bien que des indigènes, la misère qui monte partout en Europe venant de ce sentiment effrayant ; nous ne sommes plus chez nous nulle part ! Les premiers enfin à plaider pour le respect de la diversité des cultures, des traditions, des mœurs, et pour cet extraordinaire patrimoine commun à la plus grande part de l’Europe, et qui est l’adaptation des hommes à leur territoire à travers leur culture, dont l’art comme les paysages témoignent partout, et combien en France ! […] La pandémie est une maladie de la globalisation, elle est l’effet direct de la mobilité entre continents, de la promiscuité humaine dans ces métropoles qui ne sont plus que la concentration d’hommes hors sol dans des non-lieux. Le développement de la pandémie a beaucoup à voir avec les mouvements de population, et par exemple l’arrivée de travailleurs saisonniers dans la France méditerranéenne. Et de futurs effondrements sanitaires et environnementaux sont inéluctables si la reconnaissance d’un droit inconditionnel à la mobilité individuelle, telle qu’elle figure dans le pacte de Marrakech, est transcrite dans le droit européen. Pourquoi ceux qui vivent dans des conditions climatiques extrêmes, dans des environnements agressifs ou violents, comme le sont la plupart des zones tropicales ou équatoriales, sans parler des terres nordiques, ne choisiraient-ils pas d’en finir avec des modes de vie qui résultent d’adaptations millénaires à cet environnement, pour profiter de ce que les climats tempérés, les terres fécondes et bien arrosées, des milieux bienveillants et cléments pour la vie humaine, leur promettent ? Comment ne pas voir que l’idéologie européenne du libre-échange, du droit à migrer, de la mobilité infinie, est l’inverse de ce que commande l’urgence écologique, c’est-à-dire le retour des frontières qui protègent, de la séparation qui sauve, et des discriminations qui assurent la diversité humaine ? […] Comment ne pas voir que l’uniformisation des normes, des lois et des meurs, que la destruction résolue des traditions, des appartenances, des cultures singulières, que l’expulsion programmée des Européens de leurs terres, de leur foi et de leur histoire, par la fiscalité des biens immobiliers comme par l’appropriation du vivant par l’industrie et des paysages par les éoliennes, qui s’organise pour faire d’eux des nomades comme les autres, sont les pires ennemis de l’écologie ? […] Car il faut renverser le discours. L’écologisme est une escroquerie, et donne lieu à une manipulation des opinions digne de régimes totalitaires. Le Green Deal, Blackrock ne s’y est pas trompé, est une aubaine pour une industrie financière à son apogée ; l’industrie de la gestion d’actifs contrôle tout, de l’émission de monnaie aux cours de Bourse, et désormais au financement des entreprises. Qu’auront à y gagner nos PME, nos ETI, nos petits commerces, et ces communautés locales qui s’accrochent à leur territoire, à leurs biens communs et à leur territoire ? Le Green Deal est un nouveau coup de force, qui permet à la Commission de s’immiscer un peu plus dans la conduite des affaires intérieures des Nations ; quelle mascarade à cet égard que le débat sur la « taxonomie » qui permet, par exemple, d’exclure le nucléaire des énergies propres, alors qu’il s’agit de l’énergie la plus décarbonée qui soit, la seule capable de rendre l’électricité propre à grande échelle ! Le Green Deal est une aubaine pour les pétroliers en voie de reconversion, pour le pillage de l’argent public que signifie trop souvent la conversion énergétique, et même, pour l’agrochimie qui se réinvente « agriculture de précision » pour continuer à détruire la vie ! Quelle insulte aux populations rurales, dont le paysage fait partie du patrimoine, que ce programme d’implantation de dizaines de milliers d’éoliennes géantes en Europe, qui placera chaque endroit du territoire en vue de ces agressifs moulins à vent qui massacrent oiseaux migrateurs et chauve-souris ? […] L’écologisme devient l’idéologie officielle de l’Union européenne. Comme toute idéologie elle repose sur un détournement, celui de l’écologie, science des systèmes vivants complexes. Comme toute idéologie, elle s’institue en dogme, distribuant le bien et le mal, et déniant jusqu’au droit à la parole à qui la conteste. Et comme toute idéologie, elle se coupe du réel. L’écologie est affaire locale, territoriale, sujet d’autonomie, l’Union en fait un moyen d’uniformisation. L’écologie ne sera rien sans l’adhésion de tous, l’Union veut l’imposer d’en haut. L’écologie est affaire de mesure, de limites, de frontières, l’Union en fait un moyen de centralisation, en faveur du global, du sans frontière et des monopoles. L’écologie est affaire de démocratie, de participation, de coopération, l’Union en fait une affaire de bureaucrates et de gestionnaires de capitaux. »[1]
Je m’excuse pour la longueur de la citation. Elle donne la nausée, c’est vrai. Mais ces propos illustrent le danger écofasciste par son biais de la reprise de l’écologie par le fascisme et montrent à quel point ce danger est concret.
En France, c’est à la fin des années 1980 que le groupe d’extrême-droite “Nouvelle Droite“ commence à structurer un discours sur les questions écologiques. Le FN défendant, dès son origine, le productivisme, ne se retrouve pas spontanément dans ce discours. Infusé petit à petit par les travaux de la “Nouvelle Droite“, sous l’impulsion de Bruno Mégret, le FN change de discours au début des années 1990 et, dans son congrès daté de cette année, le FN entend démontrer « qu’il est prêt à régler d’autres problèmes que l’immigration » et affirme « une volonté globale de préserver l’environnement et le patriotisme du peuple français ». Il met en avant le concept d’ « écologie nationale » : « L’écologie est en effet une préoccupation qui s’inscrit dans la défense de notre identité. Vouloir la sauvegarde des sites naturels, la préservation de notre patrimoine, la survie de la faune et de la flore, la qualité de l’air et de l’eau, c’est au fond défendre ce que nous sommes en tant que nation enracinée sur un territoire. Et lorsque nous défendons l’intégrité française, nous ne faisons rien d’autre que de défendre l’écologie ethnique et culturelle de notre peuple et en cela nous sommes dans le droit fil de la démarche écologique : la préservation des milieux nécessaires à la survie et au développement des espèces […]. Pour survivre, les espèces animales ne se mélangent pas et la plupart ont un territoire qu’elles défendent ». Nous avons explicitement affaire à une conception raciale de l’écologie. Depuis le FN, devenu RN, n’aura de cesse de construire sur ce terreau jusqu’au “greenwashing nationaliste“ de Marine Le Pen dont la citation d’Hervé Juvin est une synthèse assez éclairante.
Ce versant de l’écofascisme ne s’est pas développé en lien direct avec le fascisme historique. Si le lien structurel a longtemps été lointain, le lien idéologique est assez net. Ainsi, Pentti Linkola[2] propose, en réponse à la crise climatique, l’immigration zéro, la diminution de la population, l’euthanasie des « déficients », l’arrêt d’un progrès technique détruisant l’environnement et détachant par trop l’humain des contraintes naturelles : « N’importe quelle dictature serait meilleure que la démocratie moderne. Il ne peut y avoir de dictateur assez incompétent pour montrer plus de stupidité qu’une majorité populaire. La meilleure serait une dictature où de nombreuses têtes rouleraient et où le gouvernement empêcherait toute croissance économique. »[3]
Remontons plus loin et à un zoologiste allemand du 19ème siècle et du début du 20ème, Ernst Haeckel. Il semble être un pilier majeur de l’écofascisme en portant une écologie se référant au darwinisme social. Ce courant perdurera en Allemagne et se retrouvera sous la République de Weimar dans un groupe nommé les “Wandervögel“ qui défendent l’idée d’une transformation des rapports entre l’homme et la “nature“, en rejet de la modernité et de l’humanisme, avec un antisémitisme assumé. Le lien avec les nazi·es sera alors immédiat puisque le national-socialisme considère que l’être humain n’est qu’un élément de la “nature“, avec une approche mystique de celle-ci. Et dans cette logique, puisque la société humaine n’est qu’un élément de la “nature“, elle doit s’organiser selon les mêmes règles supposées de la “nature“ en préservant l’“environnement“ et en protégeant la “pureté de la race“. Rappelons qu’Hitler était végétarien, fasciné par le mysticisme et adepte de l’homéopathie. Rappelons qu’Himmler avait fondé une ferme biologique expérimentale. Rappelons qu’Hitler inaugura la première réserve naturelle en Europe. Le « sang et la terre » est d’ailleurs la doctrine officielle du ministère de l’alimentation et l’agriculture du Reich, mettant en pratique le programme écofasciste.
Ne concluons pas que l’écologie est forcément fasciste. Pour rendre cette consternante et dérangeante analyse plus acceptable, il est tentant d’en tirer exactement les mauvaises conclusions : à savoir, que même les engagements politiques les plus répréhensibles produisent parfois des effets louables. Mais la vraie leçon est exactement inverse : même la plus louable des causes peut être pervertie et instrumentalisée pour être mise au service de la sauvagerie criminelle. « L’aile verte » du NSDAP n’étaient pas un groupe d’idéalistes innocents, désorientés et manipulés, ni même des réformateurs de l’intérieur : ils étaient des promoteurs et des exécutants conscients d’un programme infâme ouvertement dédié à une violence raciste inhumaine, à une répression politique massive et à une domination militaire mondiale » […] L‘écologie seule ne prescrit pas de politique, elle doit être interprétée, envisagée à travers des théories de la société pour acquérir une signification politique.
L’écofascisme se retrouve donc ainsi dans la revendication de l’abandon complet des technologies dans nos sociétés. Pour le dire autrement, l’écofascisme prône un retour à la “terre“ et à la “vie simple“ et s’attaque au “rationalisme“, au “cosmopolitisme“, au “mondialisme“ et la “civilisation urbaine“.
L’écofascisme trouve aujourd’hui un terreau pour se développer : l’écoésotérisme.
L’écoésotérisme accomplit une fonction idéologique préparant l’installation du fascisme en terrain capitaliste. Il ne s’agit pas d’une fonction autoritaire, violente, anti-démocratique et anti-sociale, il s’agit d’un danger plus pernicieux : celui de détourner idéologiquement, et plus particulièrement auprès de franges de la population a priori plus sensibles aux questions écologiques, une réponse plus ou moins politique, très spirituelle, assez festive et joyeuse, permettant d’oublier le plus ou moins politique. C’est le cas de l’Anthroposophie, doctrine élaborée par Rudolph Steiner à la fin du 19ème siècle, et dont de plus en plus d’écoles s’y référant voient le jour. La « Société anthroposophique universelle » prône un souci permanent de préserver la “nature“, fait de ses écoles un lieu d’apprentissage de liens avec la “nature“, et soutient même la production de produits (comme la marque de cosmétique Weleda, dont la Société est l’actionnaire principal). C’est le cas aussi de Pierre Rabhi qui exprime la nécessité permanente de la “nature“ : « Que nous soyons riche ou pauvre, nous sommes totalement dépendants de la nature. La référence à la nature régule la vie. Elle est gardienne des cadences justes. »[4]
Steiner et Rahbi se retrouvent dans une conception ésotérique de la “nature“, un rejet de la science et de la technologie. L’Anthroposophie est définie comme un dépassement de la science dans ses « recherches sur la réincarnation, le karma, la christologie et l’étude des hiérarchies spirituelles. […] Les procédés d’initiation font évoluer l’homme depuis la forme normale de la conscience diurne jusqu’à une activité psychique où il dispose d’organes spéciaux pour ses perceptions spirituelles »[5]. Pierre Rahbi est dans la même logique : « Avec l’affirmation de la raison, nous sommes parvenus au règne de la rationalité des prétendues Lumières, qui ont instauré un nouvel obscurantisme, un obscurantisme moderne »[6].
Steiner et l’écofascisme ont un lien direct. Les nazi·es ont repris les thèses anthroposophiques, installant de l’agriculture biodynamique dans certains territoires occupés, utilisant les produits Weleda pour les expériences dans les camps de concentrations… Bref, une concordance spontanée entre une doctrine raciste et antisémite et une pureté originelle revendiquée.
Pour Pierre Rabhi, le lien est venu de sa rencontre avec Gustave Thibon. Ce dernier était acclamé par Charles Maurras et l’Action française, la source idéologique principale de la politique rurale du régime de Vichy, monarchiste, bref un militant d’extrême-droite. Gustave Thibon est la référence principale de Pierre Rabhi. Et comme on ne change pas une idéologie aussi sympathique, ces relents étaient présents dans l’ancien site internet de Gabriel Rabhi (le fils de Pierre Rabhi), inter-agir.fr (aujourd’hui indisponible), puisque étaient recommandés les ouvrages de la maison d’édition d’extrême-droite “Le Retour aux Sources“, de personnalités d’extrême-droite comme Anthony Sutton, Eustace Mullins, Pierre-Yves Rougeyron ou encore André-Jacques Holbecq. Et sans parler des liens vers le “Réseau Voltaire“, “Sott.net“, “Ragemag“, “Polémia“, “Egalité et Réconciliation“… bref, une belle galaxie de la fachosphère.
Je n’insisterais pas plus que cela sur Pierre Rabhi, ce serait lui donner trop de place. Son cas reste intéressant comme celui d’un homme dont on peut discuter des heures sur le caractère fasciste ou pas, qui a trompé les personnes qui le glorifient. Un homme dont les racines sont celles de la défense de l’Algérie française, dans un racisme latent qui n’est pas sans rappeler celui de Robert Ménard à Béziers.
Il y a une dernière entrée à l’écofascisme, qui trouve parfois à se nourrir dans l’écoésotérisme : une fascisation de l’écologie.
La collapsologie que j’ai évoqué porte en elle ce risque, avec une attraction assez malsaine vers l’effondrement inévitable. On retrouve ces idées dans l’installation actuelle d’une technocratie autoritaire comme classe dirigeante. On retrouve ces idées, et cela apparaît dès la première définition que j’ai donné, dans ces militantes et militants écologiques qui pourraient basculer dans un régime a minima autoritaire et au pire fasciste pour “sauver la planète et le Climat“. Cette tentation pour l’écologie autoritaire se concrétise par exemple dans la proposition d’un état d’urgence écologique. Celle-ci se présente initialement comme un détournement du concept sécuritaire d’état d’urgence pour répondre à une urgence réelle : pas la sécurité, mais l’écologie. Trois éléments permettraient de faire accepter à la population cette politique autoritaire : 1/ les systèmes démocratiques modernes présenteraient un problème de temporalité face à la crise écologique ; 2/ les principaux effets des libertés civiles et politiques offertes par les démocraties libérales résideraient dans des dégradations écologiques et diverses natures ; 3/ parce que le pouvoir y est concentré entre les mains d’une élite qualifiée et compétente, les régimes écologiques autoritaires seraient en capacité de répondre plus rapidement mais aussi plus efficacement à la crise écologique que les démocraties libérales.
Les dangers fascistes et écofascistes sont à prendre en compte sérieusement. Mais nous ne devons pas être paralysé·es par ces dangers. Ce sont des dangers concrets, d’autant que le néo-libéralisme est lui-même en crise hégémonique, devenant de moins en moins crédible, alors que la crise écosociale s’accélère et a des conséquences concrètes sur la vie humaine, ne sous-estimons pas une idéologie qui permet à certaines et certains de s’en sortir. Il ne suffit pas (ou plus) pour l’antifascisme d’affirmer son féminisme ou son antiracisme, de faire la critique du néolibéralisme ou d’appeler à la justice climatique. Dans la mesure où l’extrême-droite a repris à son compte une partie au moins du discours anti-néolibéral, tend de plus en plus à adopter une rhétorique de défense des droits des femmes, use d’un pseudo-antiracisme de défense des « blancs », ou développe une conception identitaire de l’écologie, l’antifascisme ne peut se contenter de formules vagues.
Nous vaincrons le fascisme en clarifiant notre discours écologique et social, en proposant une alternative politique concrète et crédible et en ne renonçant pas au combat anti-fasciste sur les terrains de la rue et des idées. Sur le premier point, cela signifie renoncer à tout discours qui serait assez ambiguë pour passer pour du “ruralisme“, s’éloigner totalement des milieux ésotériques et faire des questions démocratiques et sociales deux points prioritaires pour toute action ou initiative politique. Ainsi, pour ne donner que cet exemple, les ZFE (Zones à Faibles Émissions[7]) est le type de mesures autoritaires, inefficaces et injustes socialement à éviter. Cela va de paire, c’est le deuxième point, avec la proposition d’une alternative politique désirable et crédible (pour moi, l’écosocialisme…). Enfin, troisième point, il s’agit d’aller à la confrontation directe sur le fond (en proposant par exemple des formations) et dans la rue (par exemple en organisation des collectifs d’auto-défense) face à l’extrême-droite. Ne lui laisser aucune place pour développer ses idées et ne pas lui laisser l’espace public.
[1] https://hervejuvin.com/ecologisme-escroquerie/
[2] Pentti Linkola est un écrivain finlandais du XXème siècle. Il a, tout au long de son œuvre, développé un fascisme écologique en s’appuyant sur l’eugénisme comme solution, selon lui, à la surpopulation qui serait, toujours selon lui, la cause principale de la crise écologique.
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cofascisme
[4] Pierre Rabhi : Vers la sobriété heureuse (Actes Sud, 2010)
[5] https://www.anthroposophie.fr/
[6] Pierre Rabhi : Vers la sobriété heureuse (Actes Sud, 2010)
[7] https://resistons.net/actualite/la-zfe-zone-a-forte-exclusion/
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