Juillet 2021.
Les succès, répétés, des manifestations en réaction aux déclarations de Macron du 12 juillet 2021, mais surtout les positions prises par celles et ceux de notre camp social, ne peuvent qu’ébranler les militantes et militants de l’émancipation. C’est le sens du titre de cette contribution.
Personne ne doute que le « Pass Sanitaire », a fortiori dans les conditions particulièrement autoritaires de son application, est une atteinte insupportable aux libertés collectives. Ce qui est déstabilisant, c’est que ce soit cette question qui fasse mobilisation, alors que les atteintes aux libertés se multiplient ces dernières années (au point que des tentatives de mobilisations existent : avons-nous oublié les manifestations du 12 juin 2021 pour nos libertés ???). Et pire : c’est un acte collectif socialement utile, la vaccination, qui fait mobilisation, mettant en lumière un effondrement idéologique.
Le plus grave sans doute, dans cet effondrement, est la recherche d’excuses du type « ce ne sont pas des manifestations contre la vaccination », « je suis vacciné mais je refuse le « Pass Sanitaire » », « ce qui est important c’est la liberté individuelle »…. et j’en passe. Sans parler des positions franchement insupportables de syndicats parlant de « prise d’otage vaccinale ».
Bref, nous sommes au cœur d’une défaite idéologique issue d’une désagrégation politique que nous n’avons pas su empêcher car, en plus, cette défaite semble consciente (sinon, pourquoi chercher des excuses ?). Car en plus, nous ne sommes pas capables de construire des mobilisations autres que celles organisées par les forces réactionnaires et d’extrême-droite.
Faire de cette défaite l’entrée de ma contribution, c’est vouloir marquer le fait que le débat politique (est-il encore sanitaire ?) qui nous occupe actuellement n’est pas central. Il vient après des années de combats idéologiques des forces du Capital, et les tentatives désespérées de résistances collectives. Bref, nous sommes au cœur de combats idéologiques, de courants idéologiques. Nous avons une histoire, des combats, des victoires et des défaites, qui font ce qu’est aujourd’hui notre camp social. Nos ennemis ont également une histoire, des combats, des défaites et beaucoup de victoires.
Si je dis que personnellement je suis pour la vaccination de masse, et même en fait pour l’obligation vaccinale pour tout le monde, ce n’est pas parce que j’ai cette position personnelle après avoir lu, écouté telle ou telle personne. C’est parce que je m’inscris dans un courant politique, celui des forces de l’émancipation, qui n’est pas encore infecté par l’idéologie libérale qui fait de la vaccination un acte soumis à une prétendue « liberté individuelle » alors que, par nature, c’est un acte collectif.
Je dis donc aussi que oui nous avons affaire à un gouvernement d’une incompétence toute particulière, voire assez hallucinante, mais nous sommes aussi dans le cadre de politiques anciennes et accélérées ces dernières années de casse du Service public de la Santé et de casse du Service public de la Recherche. Où étaient les milliers de manifestantes et manifestants pendant les luttes de la Santé et de la Recherche ?
Poser les choses ainsi c’est voir donc globalement que ces politiques continuent, que Macron, le 12 juillet 2021, a aussi annoncé des régressions sociales avec les « reformes » des Retraites et de l’Assurance Chômage. Si ces questions ont été dans un tout premier temps présentes dans les manifestations, c’est bien aujourd’hui le caractère obligatoire de la vaccination qui est au cœur des débats et manifestations.
En ce sens, d’ailleurs, il est remarquable que la « liberté individuelle » soit revendiquée à la fois par les manifestantes et les manifestants et par le pouvoir en place, rendant visible le fait que le libéralisme s’est infiltré dans toutes les têtes. Rappelons en effet qu’à la fois du fait de son idéologie libérale mais aussi du fait de sa gestion calamiteuse de la pandémie (car quand il le faut et quand ils le peuvent les libéraux, pour survivre, savent déroger à leurs règles), le gouvernement s’est toujours positionné (encore aujourd’hui d’ailleurs) contre la vaccination obligatoire.
Détourner le débat sur le sujet d’une prétendue « liberté individuelle » ferme donc la porte à tous les débats sérieux sur les vaccins en général et sur ces vaccins en particulier. Les travaux du groupe de réflexion sur la crise sanitaire d’Ensemble et d’Ensemble Insoumis sont sur le fond assez remarquables et il faut absolument les diffuser (en particulier la dernière note : https://reflexions-echanges-insoumis.org/pour-une-couverture-vaccinale-g…). Ces travaux démontrent la nécessité de la vaccination généralisée et n’occultent pas les difficultés (nombreuses et diverses) que nous avons sur ce point. J’insiste sur le fait qu’il faut lire la note. Je le fais car, et c’est aussi l’une des difficultés que nous avons, les analyses poussées sont ignorées et non lues. Ce qui marche ce sont les posts rapides sur Twitter ou Facebook.
En tout état de cause, tout ça mène à séparer totalement la question du « Pass Sanitaire » de la question de la vaccination, y compris de la vaccination généralisée ou obligatoire.
Le « Pass Sanitaire » est un outil autoritaire, discriminant, stigmatisant. Ceci ne fait aucune discussion.
La question de la vaccination c’est autre chose, c’est un acte collectif, outil de nos libertés collectives. Et face à la pandémie actuelle, c’est la vaccination de toutes et de tous que nous défendons, avec une augmentation des moyens pour la Santé et la Recherche, avec des brevets publics, avec une solidarité internationale afin de permettre à la planète entière d’accéder au vaccin.
Se laisser aller à un simple mot d’ordre de « liberté individuelle », a fortiori aux côtés de forces réactionnaires, certaines même d’extrême-droite, n’est ni une faute politique, ni une erreur, c’est une abdication. Et pour nous qui n’arrivons pas à convaincre de cela, une défaite.
Pendant ces manifestations, les périls écologiques se multiplient dans l’indifférence presque générale. La crise économique et sociale sera aggravée par les « réformes » des Retraites et de l’Assurance Chômage qui intéressent si peu les manifestantes et manifestants de ces derniers jours. La crise démocratique est installée pour de bon.
Une sortie par le haut est difficile car les « déjà là » émancipateurs s’épuisent. Le slogan « écosocialisme ou barbarie » est plus que jamais d’actualité mais il apparaît en même temps plus que jamais hors sol. C’est là aussi notre défaite. C’est là aussi le signe d’un autre effondrement, celui du mouvement ouvrier organisé. Point qu’il faudrait développer.
Nous disposons d’un projet, ou plutôt, d’un début de projet, pour l’émancipation. Et, a fortiori en cette période de confusions, en cette période où l’incurie du gouvernement engendre inquiétudes et lectures hystériques de la situation, nous devons intégrer ces défiances dans nos propositions alternatives. Pour ce faire, nous devons porter une cohérence politique, sociale et démocratique. Ainsi, pour reprendre une note du groupe de réflexion, « il faut rechercher une appropriation à la fois collective et fine des savoirs scientifiques et sanitaires, consciente des critères qui en déterminent la solidité et de leur caractère dynamique et en construction. Il convient donc d’assumer au grand jour l’existence de débats et même de controverses, tout en ne cédant jamais au relativisme et à la facilité qui nie toute possibilité d’accéder à des critères de vérité par la vérification et l’expertise établies scientifiquement. Il convient également d’exiger toute la clarté sur les rapports entre sciences, institutions publiques et laboratoires privés : publication des accords commerciaux, des subventions, mise à jour des forces de lobbying, des conflits d’intérêts. » (https://reflexions-echanges-insoumis.org/covid-que-faire-face-a-la-crise…)
Cela passe par la construction d’un front qui rompt explicitement avec un certain nombre de personnes qui manifestent actuellement. C’est le sens de la première tribune parue dans Libération (https://reflexions-echanges-insoumis.org/refusons-le-projet-de-loi-sanit…) qui, malgré ses insuffisances, est une base de travail. Cela signifie se mettre au travail, construire et vite car il y urgence.
Et ne pas dévier, ne jamais dévier, de nos positions. Car dans un espace où les souffrances individuelles se multiplient, nos grains de poussières qui recherchent dans le collectif l’émancipation, ont la responsabilité historique de ne pas dévier pour donner des repères, pour construire et pour être là quand les souffrances reprendront conscience.